Toi ton travail, c'est de passer la journée à jouer avec les enfants.

22 mars 2019 Annecy, France

https://www.notebook.ldmailys.com/2019/02/ton-travail-cest-jouer-toute-la-journee.html

Combien de fois avons-nous entendu cette phrase ? Ces petites piques réellement étonnées ou pour nous énerver. Oui enfin bon, après tout t'as des journées tranquilles, tu regardes les enfants jouer, tu leur donne à manger et tu leur change la couche. En plus, à cet âge-là, ils dorment tout le temps (quand tu oses dire que tu es dans la section ou que tu prend soin de bébés). Alors oui, mais non. Si seulement notre métier ne consistait qu'à ça, ce serait vraiment cool. Je crois cependant que ce genre de remarque est tout simplement dû au fait que personne ne sait en quoi consiste exactement notre formation, notre métier, nos agissements auprès des enfants.

L'observation :

La raison de notre « oisiveté », c'est l'observation. Les enfants sont passionnants. Leurs gestes sont réfléchis, pesés, leurs mots et leur expressions sont à la fois drôles et étonnantes. Leurs progrès sont incroyables. Leurs jeux, leurs imitations nous renvoient une image de nous-même dont nous n'avons pas conscience. Leurs mots, leurs gestes reflètent les nôtres ou ceux de leurs parents, souvent les deux. L'observation de tout cela nous permet de nous réajuster, de les encourager, de leur signifier leurs progrès, de les soutenir. Ces temps où, vous de l'extérieur, avez l'impression que nous ne « faisons rien » sont en réalité hyper importants pour leur développement.

La réflexion : 

Le choix des jeux, des activités, l'aménagement de la pièce doivent être constamment réfléchis, repensés. Chaque jeu apporte quelque chose à l'enfant. Chaque livre aussi. Chaque meuble, placé à tel ou tel endroit apporte également cadre, réconfort et praticité. Toutes ces choses qui paraissent posées là telles quelles sont bien souvent (devraient toujours être) réfléchies durant de longs moments de réunions. Il y a aussi les réunions que nous faisons, souvent le soir après le boulot (au détriment de nos propres enfants, hé oui comme vous!) pour réfléchir sur nos pratiques professionnelles. Sur ce qu'il faut changer, garder, mettre en place. Discuter des nouvelles lois, des nouvelles découvertes neurologiques ou sur le développement. Nous devons aussi régulièrement faire des formations, lire de nouveaux livres, apprendre de nouvelles choses. Toutes ces choses-là sont des choses que nous faisons, toujours en-dehors de nos heures de travail (sauf peut-être les formations, mais pas toujours).

Nourrir, dormir, manger, jouer :

Mmh oui, effectivement, nous n'allons pas les laisser mourir de faim, ou dans leurs couches prêtes à exploser, encore moins les laisser s'endormir tel quel sur le sol gelé. Les enfants sont dépendants de nous, que nous soyons parents ou professionnels. Ils ont besoin que nous devinions (lorsqu'ils ne parlent pas) quand ils ont faim, que nous repérions quand ils ont sommeil. Ils ont besoin d'aide pour se servir à manger, préparer les biberons. Alors oui, bien sûr que nous faisons ces choses; elles rythment même nos journées. Seulement ces temps sont bien plus poussés que juste leur donner à manger. Lorsqu'ils sont bien organisés, il s'agit de moment en tête à tête avec un ou deux enfants. Des moments bien à eux, bien à nous. Des moments très importants dans le développement des enfants. Effectivement, nous jouons avec les petits, et encore, bien souvent nous les accompagnons « seulement » dans leur jeux. Les enfants ne commencent à jouer avec les autres que vers 2/3ans, avant cela, les enfants jouent seulement côte à côte. Ils découvrent, ils apprennent, ils communiquent, ils s'expriment par le jeu. Mais pour les plus grands, il nous faut aussi préparer les activités, faire des recherches, acheter/trouver le matériel, les mettre en place, en trouver l'objectif pour les enfants, l'apprentissage qui en découle, observer, prendre du recul, réajuster, tout ça demande du travail (que nous faisons bien souvent en-dehors de nos heures « officielles » de boulot. Alors oui, nous sommes près d'eux, nous les accompagnons, nous les observons, les encourageons - afin qu'ils poursuivent ces apprentissages.

Les mots, les gestes :

Lorsque nous sommes formés à exercer auprès d'un public si jeune, chaque mot, chaque phrase, chaque expression est réfléchie. Nous avons une formation spécifique et des connaissances précises, qui font que nous devons constamment réfléchir aux répercussions qu'on nos gestes et nos mots auprès des enfants. Des mots que nous pouvons penser banals vont en fait les freiner ou au contraire les encourager, les dénigrer ou au contraire leur donner confiance. Il y a tellement de recherches et de découvertes faites sur la manière dont se développe le cerveau de l'enfant qu'il faut sans cesse tout remettre en question. Alors ça nous enlève pas mal de naturel à la relation (les premiers temps, quand il faut s'habituer à changer les expressions naturelles que nous avons acquises depuis notre naissance), certaines choses sont parfois (à mon sens) bien exagérées ou bien trop dirigées mais c'est ce qui est censé nous différencier des parents.

Soutenir les parents dans leur rôle : 

Malgré le fait que nos métiers s'appellent « métiers de la petite enfance », les enfants ne sont pas les seules personnes à qui nous devons faire attention, et prendre en considération. Il y a aussi leurs parents, leur entourage, les frères et sœurs.  Malgré toutes nos connaissances, il ne faut pas oublier que les parents composent avec ce qu'ils ont. Beaucoup essayent de toujours faire mieux, jusqu'à acquérir presque autant de connaissances que nous grâce aux livres, aux formations, aux conférences auxquelles ils ont aussi (heureusement, ou pas) accès. Mais (mis à part les parents qui sont aussi professionnels de la petite enfance bien sûr), il ne faut tout de même pas oublier qu'ils n'ont pas nos formations et qu'il faut les accompagner avec ce qu'ils savent. Les parents ne font pas de leur mieux, ils font ce qui est le mieux. C'est eux qui ont ce lien privilégié avec leur enfant, qui savent quand quelque chose ne va pas et qui bien souvent n'osent pas demander de l'aide de peur qu'on les prenne de haut, qu'on les assomme avec nos connaissances ou qu'on les fasse culpabiliser.
Un apprentissage réciproque :

En soutenant, accompagnant, encourageant l'enfant, nous leur apprenons des choses. Ils copient sur nous les gestes, les mots, les intonations et tant d'autres détails de la vie. Mais il ne faut pas oublier que la sincérité des enfants, leur spontanéité nous font nous remettre chaque jour en question si l'on y fait attention. Les rôles se trouvent alors inversés, c'est aussi nous qui apprenons des tas de choses à leur contact. A leur contact, je réalise aussi que c'est un bonheur immense que de pouvoir exercer notre métier dehors au soleil, dans la neige, dans un parc ou au bord d'un lac. De ne pas être obligé d'être enfermée dans un bureau, sur un ordinateur, de pouvoir profiter des cris, des rires, du grand air, de la joie, de leurs découvertes, de les voir jouer avec l'eau, la terre, l'herbe, le sable. Les voir si heureux de cette manière, se contenter de ce qu'ils ont à portée de main - je peux dire que les piques que l'on reçoit parfois, par des personnes qui ne savent pas exactement en quoi consiste notre métier, ne sont rien à côté de ce bonheur d'exercer un métier au plus près des êtres les plus sincères de cette Terre.

2 commentaires

  1. J'ai beaucoup aimé ton article qui finalement m'en apprend plus sur la profession d'auxiliaire parentale! C'est étrange comme une fois qu'on n'est pas dedans, on ne voit que la surface alors que finalement c'est bien plus que ça. De mon côté, je suis vraiment bluffée par tout le travail qu'accomplissent les personnes qui travaillent avec des enfants et surtout quel courage! Ils sont demandants ces petits bouts et puis c'est quand même l'avenir donc l'éducation dès le plus jeune âge a une grande importance. Personnellement je travaille comme chargée de communication digitale et tu n'imagines pas le nombre de fois que je me prends dans la face "oh en fait tu passes ta journée sur Facebook" alors oui, mais parce que je crée des campagnes sur Facebook, je les modifie, je les relance, je réponds aux questions des diverses audiences de mes clients puis il y a tout le côté en dehors de Facebook. Alalala quand les gens apprendront à voir un peu plus loin que le bout de leur nez... :D

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    1. Celui d'auxiliaire parentale mais aussi tous les métiers en rapport avec la petite enfance. Merci de ta considération pour notre métier, les personnes comme toi qui nous soutiennent et comprennent (ou du moins essayent) sont une réelle bouffée d'air frais pour nous.
      C'est le cas de tous les métiers - on ne voit que la surface et on ne connaît pas l'ampleur de ce qui se cache derrière. Il y a quelques années je n'aurai jamais deviné ce qui se cache derrière la communication digitale, derrière les blogs et pourtant quel travail ! Je l'ai compris à force de lire des articles de blogs, des témoignages, des explications transparentes. D'autant plus maintenant absolument tout passe par Internet.
      Personnellement, je ne pourrai pas passer ma journée à travailler sur ordinateur (ce qui est assez étonnant étant donné que je tiens un blog) ;)

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